mercredi 30 décembre 2009

Le raffinement de l'Ego



L'ego est une énergie qui nous permet de focaliser l'attention sur une situation à résoudre, soit pour nous adapter à une configuration donnée, soit pour permettre de développer une habitude ou une qualité appropriées, ou encore de dissoudre un conditionnement inadéquat. L'ego n'a pas d'identité propre et a tendance à s'identifier à tout ce à quoi il s'attache. Il évolue et erre longtemps d'une identification à l'autre, au fur et à mesure de l'évolution de notre compréhension et de nos motivations. L'ego n'est pas mauvais en soi, il est nécessaire et utile, il a simplement besoin d'être éduqué. En éduquant et raffinant l'ego, nous pouvons lui faire adopter d'instinct l'attitude juste. Alors l'ego retourne s'unir au Soi.

La tradition tantrique représente le principe de Désir par un «linga», un phallus érigé. L'ensemble de nos motivations procède de trois grandes perspectives, appelées traditionnellement les trois Lingas.

Le premier linga gère notre vie matérielle et se montre fondamentalement égocentrique. Le second linga vise à pouvoir, par un don de soi inconditionnel, prendre soin des autres pour les aider à s'épanouir, se consacrer à une cause vitale au service de la planète, ou du plan divin. Le troisième linga cherche à reconnaître, au-delà de la perception sensorielle du monde extérieur, par le discernement et l'intuition contemplative, la Réalité Une d'où procèdent les multiples aspects de la manifestation, et à s'y unir.

Les désirs égocentriques du premier linga se basent sur la recherche de sécurité, le désir d'échanges et de relations interpersonnelles, le désir de pouvoir personnel. L'énergie de l'ego se développe initialement pour conditionner l'intelligence à résoudre les besoins et les aspirations de la vie quotidienne sur le plan matériel, relationnel, et social.
L'ego du premier linga recherche la gratification, et son intérêt personnel, sans égards pour ceux qui l'entourent. Dans l'échange avec les autres il veut toujours être le gagnant. L'attitude égocentrée clame : «C'est moi qui ai fait cela, c'est à moi, c'est moi qui sais». L'ego a l'impression qu'il contrôle tout. Ce faisant, il se constitue dépendant de ce à quoi il s'attache, ce qui le rend vulnérable, et engendre de la souffrance, pour lui et l'entourage.
L'ego du premier linga aime être traité royalement et requiert l'attention (exclusive) de tous. Il a toujours tendance à se sentir spécial et supérieur aux autres. Si quelque chose ne se présente pas comme il veut, c'est de la faute des autres ... Quand il se prend trop au sérieux, il lui devient difficile de partager avec d'autres l'attention reçue, le savoir, les possessions, la reconnaissance, ou l'amour - cela le rend susceptible, coléreux, possessif, jaloux et vulnérable ... L'ego du premier linga se laisse facilement captiver par ce qui brille à l'extérieur et se valorise par ses avoirs, par ce qui se voit. Il investit beaucoup d'énergie dans l'espoir d'être reconnu. Il est très attaché au passé. Or tout cela n'est pas éternel, ou même pas réel, c'est donc insécurisant. Il met l'accent sur ce qui sépare, ce qui le distingue des autres, portant sur eux des jugements de valeur déformés par ses peurs, ses attirances et ses habitudes figées qui pensent pour lui. Il ne sait regarder la vie qu'à travers le lorgnon de ses illusions, et comme il est incapable d'avoir une juste évaluation de ses comportements, cela lui attire de la souffrance.
La conscience d'une perspective supérieure le libérerait de cette souffrance, résultant de ses attachements, de ses conditionnements désuets, et lui rendrait la vie plus savoureuse, harmonieuse et lumineuse. Mais à la longue, usé par ses passions, il n'a plus la force de comprendre, de s'adapter, d'innover, et vieillit gâteux.
C'est l' éveil de l'amour inconditionnel qui permet à l'ego du premier linga de se mettre à distance de ses attachements et des souffrances qui en résultent. Dans l'amour conditionnel il y a encore de l'attachement, dans la mesure où l'on en attend quelque chose en retour.

En revanche, l'amour inconditionnel donne le meilleur de soi, sans rien attendre en retour, pour permettre le meilleur de l'autre. Dans la perspective du premier linga, ce serait là trop de sacrifice. Mais pour l'ego du second linga c'est naturel : le mot de sacrifice ne lui vient pas à l'idée. L'amour inconditionnel devra s'appliquer à soi d'abord. Quelqu'un qui ne s'accepte pas soi-même de manière inconditionnelle et avec bienveillance ne saura pas en aimer un autre. Dans la perspective du second linga, l'ego cesse de se prendre pour celui qui fait, qui sait.
C'est pourquoi les préférences et les attachements personnels peuvent s'amoindrir et se dissoudre, ce qui rend plus facile l'observation de soi. On devient moins susceptible, moins vulnérable, moins inquiet. On s'occupe moins de juger les autres et plus de s'ajuster soi-même. Peu à peu se développent l'empathie, la compréhension du point de vue de l'autre, la compassion, l'humour bienveillant, la patience, la révérence ...
On devient capable, en communiquant avec les autres, d'éviter de les bloquer, capable de leur faire comprendre leur intérêt et l'intérêt communs. La créativité se libère, pour trouver le moyen le plus habile et adéquat pour les éveiller à une perspective supérieure et plus spacieuse de la vie. Cette recherche est une bonne occasion de s'affiner soi-même.
Quand le second linga devient prédominant dans les stratégies de l'ego, les sens ne se développent pas seulement vers l'extérieur, mais aussi vers l'intérieur, c'est à dire de manière intuitive : sentir intuitivement où se situent l'attitude juste, ou comment l'autre réagit ...
La distinction entre celui qui perçoit, l'objet perçu et la capacité de percevoir s'amenuise. Le sens de la communion se développe. La perception sensorielle extérieure ne suffit plus. La perception intérieure intuitive nous rapproche du troisième linga.

Ce n'est qu'au troisième linga, que surgit le désir de transcender le monde empirique de la dualité, et d'entrer en communion avec le Soi divin. Le sens du service envers les autres a été bien développé, et les dettes karmiques payées. L'ego n'a maintenant plus qu'un objectif : élever son niveau vibratoire et découvrir le Soi, sur lequel il focalise toute son attention. Il cherche à pénétrer des couches de plus en plus fines de la pensée et de la perception intuitive, en exerçant son discernement et en pratiquant la méditation. Tout le reste n'a pour lui que peu d'intérêt.
Parfois un ou plusieurs lingas sont actifs dans la même personne. La perspective du linga supérieur permet de mieux ajuster le jeu de l'ego dans le ou les registres inférieurs.
De là naît le sens de la communion, dont la plus haute, l'ineffable expression, est la rencontre avec le divin. Alors, les ego des trois lingas, suffisamment intelligents, perceptifs et affinés, mettent leur énergie au service de la Kundalini Shakti, laquelle peut ainsi s'éveiller et s'élever du premier au septième chakra pour s'unir à Shiva, la conscience divine.


Extraits d'un texte lu sur Internet



mardi 29 décembre 2009

Placide Gaboury - Inviter la grâce


Placide Gaboury est québécois, chercheur spirituel, écrivain.


La méditation n'est pas une discipline à laquelle on astreint son corps, mais une ouverture par laquelle on laisse la vie conduire l'être. Car tout ce que l'on fait, finalement, c'est répondre à une invitation...

Le peu de transformation spirituelle que j'ai connue dans ma vie est venue non pas de mes efforts pour atteindre l'Absolu mais de l'invitation discrète de la grâce. C'est la Source de Vie, l'Esprit, la Conscience éternelle - peu importe l'appellation - qui attire, guide, éclaire et fortifie. Dans le domaine spirituel, on ne fait pas pression sur le Divin au moyen de pratiques volontaires ou d'efforts concertés : on ne force pas la main de Dieu. Par conséquent, il n'est pas question qu'on décide de méditer comme on déciderait de prendre un cours de dactylo ou de danse à claquettes! Ce n'est pas une activité purement décorative, une «occupation» divertissante.

La Vie est un courant absolument libre qui nous emporte sans nous consulter, sans nous dire où mènera le mouvement. Nous y avançons de nuit pour ainsi dire, presque à notre insu. C'est toujours la grâce qui nous touche et c'est à partir du moment où l'on est touché que naît le goût de méditer. La méditation n'est donc pas un programme personnel d'épanouissement, mais une éclosion de la sensibilité, une ouverture de l'être, un regard où il n'y a plus personne qui regarde.

La grâce nous invite de la même façon qu'elle invite quelqu'un à devenir musicien. Un violoniste de très grand talent a reçu un don musical, un appel, un attrait irrésistible, qui lui fournit en même temps la motivation, l'énergie, le goût de travailler plusieurs heures par jour, jusqu'à ce qu'il soit devenu musique. S'il est tant soit peu conscient, il saura que c'est le don qui fait l'essentiel, auquel lui ne fait que répondre. Jamais on ne devient violoniste par volontarisme : il y manque ce qui ne peut s'obtenir, le don.

En elle-même, la vie spirituelle n'est ni orientale ni occidentale, elle est hors du temps et libre des modes. Mais les techniques d'éveil apparues au cours des âges ont pris naturellement les traits des diverses cultures qui les avaient élaborées. Ainsi parlera-t-on d'une méditation védique, bouddhiste, juive, soufie ou chrétienne. Pourtant il y a une attitude que l'on y retrouve comme un commun dénominateur. En effet ....

La méditation n'est pas
de la réflexion : repasser en son esprit un thème tel que la mort ou l'orgueil fixe en nous des pensées et des émotions qui s'incrustent de plus en plus dans la mémoire, nous empêchant de couler avec la vie et de lui être complètement ouvert. La pensée cherche la sécurité, alors que le corps vit dans l'insécurité. Il est donc tentant de fuir celui-ci. C'est ainsi que la plupart des chrétiens, au lieu de connaître la méditation, ont pratiqué la réflexion qui fuit naturellement les sensations pour fixer les pensées, empêchant par le fait même toute intégration du vécu et toute présence à ce qui est. La vie spirituelle était ainsi perçue comme une fuite du monde matériel et physique, et le Divin, comme une réalité en dehors de soi que l'on atteint en refusant tout le reste. On vivait séparé de soi et donc de la Source.

La méditation n'est pas de la concentration : la concentration est un instrument mental orienté vers quelque chose à atteindre, à obtenir. Elle a une certaine valeur. On peut l'utiliser pour «détendre les nerfs, apaiser une psyché perturbée, créer un équilibre chimique dans le corps, et finalement éveiller les pouvoirs latents de l'esprit et provoquer des expériences non sensorielles». Attardons-nous à ces pouvoirs qui ouvrent sur le monde astral et occulte. Cela peut se faire par une forte concentration ou une excitation de la kundalini et des chakras.

La méditation n'est pas de la thérapie : parmi les effets de la méditation, il y a évidemment le bien-être physique, la clarté de l'esprit et le sentiment d'être plus centré, plus intégré. Pourtant, aucun de ces effets n'est recherché en lui-même. La méditation n'a pas de but, elle n'est pas un acte concerté mais une attitude de l'être, une présence à la vie, sans esprit de gain, sans attente. Du reste, avec le temps, la méditation se distingue de moins en moins de l'action : elle infiltre la vie quotidienne, guérissant de la peur qui nous sépare de tout et qui pousse le mental à chercher la sécurité en nommant et fixant tout ce qu'il touche pour se protéger de l'inconnu qu'est la vie.
Par ces bienfaits non recherchés, oui, la méditation est une thérapie, mais non directive, non motivée par le désir de s'améliorer, de corriger les défauts, de se perfectionner, de jouir davantage ou de créer un bien-être à tout prix. La vie méditative guérit de l'illusion d'être quelqu'un, d'être au contrôle. C'est justement l'absence d'ego qui énergise et épanouit.

La méditation n'est pas de la psychologie : les psychologies classiques, de même que les récentes, pour la plupart, n'ont rien à voir comme telles avec la vie méditative. Etre «plus normal» ou «mieux adapté» ne libère pas de la préoccupation d'être quelqu'un, d'être important, d'être celui qui agit et réussit. Je ne dis pas que les techniques de visualisation et les suggestions pour débloquer les refoulements ne soient pas utiles à une personne grevée d'un lourd passé. Mais la relaxation, l'épanouissement émotif, la libération de ses complexes ne transforment pas le regard, ne créent pas l'ouverture, ne libèrent pas de la peur qui va toujours se chercher d'autres fuites ou d'autres boucliers.

Exprimer tout cela, par la parole ou le cri, ne libère pas. C'est le regard, l'ouverture sans jugement et sans attente vis-à-vis de toutes ces choses et de toutes ces pratiques qui seuls libèrent. Dans la mesure où, par ces méthodes, on s'acharne à atteindre le spirituel, on vit dans la tension en violentant le corps. Elles demeurent au service du petit «je» qui refuse d'être mené par la vie. On se convainc que l'éveil spirituel est une question d'acharnement personnel, de pression exercée sur ce que l'on n'aime pas dans son corps ou son vécu et que l'on veut expulser, enrayer de force. On croira même «avancer» en jeûnant, en mangeant végétarien, en prenant les poses méditatives consacrées, en cultivant la pensée positive, en se retirant à la campagne ou dans un lieu désert loin du bruit.

Tout cela peut être utile - surtout la pose du lotus, mais c'est une conséquence, non une condition. On voudrait obtenir ou atteindre le silence, la transformation, la pureté d'origine. Mais on a oublié la grâce, le don, la liberté de l'Esprit.

Ce qu'est la méditation: une sensibilité au présent.

En effet, la méditation n'a pas lieu dans le mental mais dans la sensibilité. L'attitude ou la vie méditative est une sensibilisation à l'égard de tout le vécu que contient le corps. C'est une écoute, un regard sans prise ni fermeture : il n'y a rien à refuser, rien à obtenir. C'est un mouvement qui déracine la peur et rend familier tout ce qui se présente. Je dis bien que c'est un mouvement, car cela pousse à interroger, à observer, mais en même temps, il n'y a rien que l'on veuille, il n'y a pas de cible, seulement un accord avec tout ce qui bouge. C'est le silence qui émerge dans le corps, un silence qui n'est pas absence de bruits, mais d'attaches et d'attentes. Absence de toute cette volonté propre qui exerce continuellement son pouvoir fasciste sur la vie. La méditation est nue et ouverte. Elle est vide de savoir et de sécurité. On ne fait qu'écouter, voir, goûter.

Non seulement «la méditation ne peut naître d'aucune activité mentale» (Thakar), mais elle est le silence du mental et de la mémoire. Silence qui est la sensibilité de tout l'être. Seul le silence mental permet l'écoute, la sensibilité.

A mesure que l'observation neutre se développe en nous, elle accueille tous les niveaux de l'expérience. Cela se manifeste par une attention progressive au corps, c'est-à-dire aux diverses sensations - lourdeur, légèreté, épaisseur, fluidité, tension, chaleur, ainsi qu'aux couleurs, aux odeurs, aux sons et aux sensations du toucher. L'observation peut se porter également sur les émotions qui se manifestent toujours dans des sensations. Il s'agit de les accueillir sans jugement, ni refus ou apitoiement, ne voulant ni les changer ni les détruire. Pas de théorie, d'intention, pas d'analyse pour en connaître les causes, mais un regard de tendresse et d'amour. On n'écoute pas le corps pour ensuite y changer ce que l'on n'aime pas par un barrage de visualisations et d'affirmations. On peut observer le flot de pensées mais sans s'y fixer, sans vouloir s'en servir dans ses projets d'avenir. En pratiquant cela, on verra que les domaines mental et émotif ne sont pas autre chose que le corps, en ce qu'il est chargé de mémoire. Le mental, c'est le cerveau qui est même, pourrait-on dire, le corps entier.

Le regard méditatif, qui est le silence de la Source en nous, habite l'activité du jour comme l'inactivité de la nuit. A mesure que l'attitude méditative s'imprègne, l'action est moins agitée, moins «agie par moi», l'avidité est moins forte et le besoin de sécurité moins pressant. On a cessé de se prendre pour quelqu'un.

Se produisent alors simultanément «la relaxation du sommeil profond et la vigilance consciente des heures de veille». C'est en réalité le sommeil profond qui donne le goût de méditer, fait remarquer Eric Baret : il nous attire vers la Source. «Si, dans le sommeil profond, vous n'étiez pas complètement libéré de l'asservissement à la conscience personnelle, vous ne seriez pas rajeuni après avoir dormi» (Thakar). Le renouveau d'énergie serait lié non pas tout d'abord au régime alimentaire ou à l'exercice, mais à l'absence d'ego!

Placide Gaboury - Texte extrait sur Internet -


lundi 28 décembre 2009

Mysticism "Conflict with the Red Rose" par Dakota Photography
Plus nous progressons,
plus nous nous donnons à l'évidence
que l'univers est divin...


lundi 14 décembre 2009

Jacques Ferber - La voie d’Eros...



La femme accueille l’homme en elle et, dans sa polarité yin, s’ouvre à la puissance de l’homme. Son sexe est la coupe, le Graal des chevaliers, celle qui appelle et reçoit l’autre en elle. Le sexe de l’homme est un bâton qui vit à l’extérieur, et en tant que tel constitue le trait d’union entre les deux. La coupe appelle le bâton, le bâton a besoin de la coupe. Lorsque l’union s’accomplit la femme reçoit et l’homme donne par son sexe.

On croit souvent que l’homme “prend” la femme, et c’est souvent ce qui se passe. Mais lorsque l’union est véritable, lorsque l’acte d’amour constitue la rencontre totale des corps, des cœurs et des âmes, l’homme ne prend plus la femme: il lui fait don de sa puissance. Et son sexe est alors l’émetteur de cette énergie sexuelle, qui passe dans le sexe de la femme et qui allume la poudre du désir chez la femme.

Quand l’union est vraiment réalisée, le cœur de l’homme, qui est de polarité yin, peut recevoir l’amour de la femme qui donne naturellement son amour à l’homme, et l’énergie relationnelle de la femme passe de son coeur à celui de l’homme qui est ainsi rempli de l’amour de la femme, comme celle-ci l’est de l’énergie sexuelle de l’homme. Il s’ensuit une boucle énergétique qui unit les deux êtres, ouvre leur âme et leur fait accéder à la transcendance.

La rencontre amoureuse, si elle est ainsi faite en conscience, dans le sacré et l’ouverture à l’autre est alors l’une des voie les plus puissantes d’éveil... C’est la voie d’Eros...

Faire l’amour intensément, ce n’est pas jouer les jeux olympiques du sexe en contrôlant ce que l’on fait pour être plus “performant”, mais s’unir au niveau des énergies du corps, du cœur et de l’esprit. Lorsque l’union est intense, les gestes ne sont plus contrôlés. Le rythme est variable, parfois frénétique, parfois aussi lent et léger qu’une plume. Tout se passe comme si les corps n’étaient plus contrôlés, comme s’il n’y avait plus de “moi” pour maitriser et comme si les corps étaient “agi” de l’intérieur par cette pulsion de vie liée au mouvement énergétique qui relie l’homme et la femme en une danse cosmique. Les mots alors ne peuvent plus décrire ce qui se passe. On entre dans le domaine de l’ineffable, ce qu’on traduit par les qualificatifs de “magique” ou “cosmique” tout simplement parce que les mots n’arrivent plus à rendre compte de l’expérience vécue. Dans cette union, c’est la pénétration qui transforme si on sait accueillir l’énergie pénétrante de l’autre, si la femme sait accueillir la puissance sexuelle de l’homme et l’homme la puissance d’amour de la femme.

Pour un homme, parvenir à cet état de réceptivité, est souvent précédé d’une lutte initiale avec le mental, et résulte d’un grand travail pour aller au delà de l’ego.. Pour la femme, c’est beaucoup plus simple. Elle connaît intuitivement (si elle a une sexualité épanouie) l’attitude à adopter pour s’ouvrir intérieurement et accueillir l’autre en soi. Il s’agit simplement de se connecter à son centre, et d’aller au plus profond d’elle-même, en s’ouvrant dans un relâchement total.... c’est à dire en se dissolvant et en s’unissant à l’autre..

C’est en allant profondément dans l’accueil, la réception, le relâchement, que l’effet extatique d’union cosmique se produit. Comme le disent les mystiques: “il n’y a rien à faire” et même “faire” devient un obstacle à cette expérience. Dès que l’on cherche à faire, l’extase disparaît, le sentiment de reliance avec les autres et l’univers disparaît, le cœur se ferme. C’est uniquement dans l’accueil, dans la dissolution du moi que s’effectue cette transformation dont on n’est pas maître. C’est donc en allant profondément dans son féminin que la femme vit “naturellement” l’expérience du divin. Plus elle à confiance en son compagnon et plus elle le sent présent à elle, plus elle peut aller profondément en elle, vers son être profond, plus elle se connecte avec son intériorité physique (sa “grotte sacrée”) et psychique, son âme, plus elle peut recevoir la puissance de son partenaire, plus elle peut faire l’expérience de cette union qui s'exprime à la fois vis à vis de l'univers, mais aussi vis à vis de son compagnon. C'est alors la réelle Union Cosmique, où l'homme et la femme ne font plus qu'un, et eux-mêmes ne font qu'un avec l'univers.

“Devenez comme un bambou creux, sans rien à l’intérieur
alors les lèvres du Divin sont sur vous,
le bambou creux devient flûte et le chant s’élève,
c’est le chant du Mahamudra.”


Jacques Ferber - Extrait de son site www.sexespi.com




mercredi 9 décembre 2009


Découvrir notre cœur comme il est réellement,
non seulement tendre et aimant,
non seulement innocent et joueur
mais aussi sage, sans peur
invincible et éveillé.

Alors le monde peut devenir notre rose.

En ouvrant le cœur au divin de la vie
et moins à la raison ;
nous contemplons la plus belle rose du rosier sauvage
de notre jardin d'âme.



lundi 7 décembre 2009

Day149-365 "Up, Up and Away" par saralonde


Denis Marquet - Pouvoir de la vie, puissance de la vie


Nous vivons au siècle de la volonté. Qu’est-ce que vouloir ? D’abord, se faire une idée de ce qui doit être. Ensuite, agir pour la réaliser. Vouloir : le mental s’oppose au réel pour s’imposer à lui. La volonté, c’est la pensée qui veut le pouvoir sur la vie.
Ce mode de fonctionnement est, à l’époque moderne, une telle évidence culturelle qu’il semble à l’être humain sa nature même. Mais nous rend-il heureux ? Tant que nous n’avons pas ce que nous voulons, par définition nous ne sommes pas heureux. Ainsi beaucoup d’entre nous vivent-ils en état de perpétuelle tension (donc de souffrance), orientés vers leurs Graals personnels qui sont autant de bonheurs pour demain. Mais lorsque tous les objectifs sont atteints, est-on pour autant heureux ? Dans ce retrait de la tension, on le sait bien, c’est la dépression qui guette. On y échappe soit en se donnant aussi vite que possible de nouveaux objectifs, soit en essayant de se convaincre qu’on est heureux (puisqu’on a tout pour l’être) tout en réprimant le mal-être qui nous hante - et l’industrie pharmaceutique nous offre pour cela une aide lucrative...

Pourquoi cette absurdité existentielle ? Parce que la sacrosainte volonté des modernes se moque éperdument du bonheur. Que cherche-t-elle ? Nietzsche et Heidegger l’ont bien diagnostiqué : le pouvoir, exclusivement. Plier la vie à l’idée qu’on s’en fait.
Or, notre idée du bonheur ne peut nous rendre heureux. D’abord parce qu’elle nous représente toujours le bonheur dans l’avenir, et entretient la croyance qu’il nous est impossible d’être heureux maintenant. Ensuite, parce qu’elle est en réalité fondée sur nos manques. Si notre pensée nous représente des buts à atteindre, c’est pour nous détourner de notre souffrance intérieure ; si elle veut le pouvoir, c’est pour nous protéger du manque. Mais, celui-ci étant en nous, aucun objet extérieur ne nous permettra jamais de le combler.
Cherchant à obtenir l’amour qui m’a manqué, je me dirigerai forcément vers des personnes semblables à celles qui n’ont pas pu me le donner ! De même, j’aurai besoin de toujours plus d’argent puisque celui-ci me renverra perpétuellement au manque de sécurité dont il a pour charge de me protéger.
Ainsi nous épuisons-nous dans une quête compulsive qui nous enferme dans notre souffrance. Enfin, notre idée du bonheur ne nous rendra jamais heureux, tout simplement parce que c’est une idée. Or, la vie ne se laisse pas enfermer dans une idée : elle résiste ! À poursuivre notre conception du bonheur, nous entrons en combat contre la vie.

Passant notre temps à tenter d’éviter ce qui ne cadre pas avec notre chère idée et à provoquer ce qui y correspond, nous menons contre les événements, les autres et nos états intérieurs une guerre perdue d’avance : la vie aura le dernier mot, puisque nous mourrons.

La clé pour être heureux : elle est double. Abandonner toute idée du bonheur. Renoncer au pouvoir sur ma propre vie. Ne prétendant plus savoir ce que les choses doivent être pour que je sois heureux, j’autorise la vie à me surprendre. Ne vivant plus en fonction d’une idée, je quitte la prison du mental et retrouve la saveur de mon corps et de mes ressentis. Cessant de prétendre imprimer ma volonté au cours des choses, je me détends et goûte un bien-être qui ne dépend de rien. Parfois, le destin détruit notre idée du bonheur et nous désespère de l’atteindre.

Et si c’était pour nous mener à la vraie félicité : le oui amoureux à la puissance de la vie, qui permet à celle-ci de s’exprimer librement à travers notre existence ?


Denis Marquet - Chronique Nouvelles Clés



vendredi 4 décembre 2009

Christian Bobin - D'abord, regarder ...



.... Tout est une question d’air et de respiration. C’est l’encombrement qui nous rend malhabile, et qui nous fait parfois, suffoquer. On a besoin de connaître des choses telles que l’ennui, le manque, l’absence, pour connaître la présence, la joie et l’attention pure. On a besoin d’une chose pour aller vers une autre.

... Je pense que c’est une souffrance que d’avoir tout à sa disposition, sans intervalles. On devient soi-même comme une chose au milieu des choses. Alors qu’on a besoin que certaines vitres de la maison soient cassées. Et que le vent entre ! Besoin de certains défauts, de certains manques, de certaines brisures, pour pouvoir respirer.

... Accepter l’irréparable. Le regarder. Le contempler en tant que tel. Ne pas chercher de consolations illusoires. Ne pas se précipiter pour venir en aide. Mais, d’abord, regarder, et si l’on est devant un mur, le voir. S’il est aussi haut que le ciel, le reconnaître. C’est quelque chose qui amène un profond changement intérieur. Cette « acceptation » n’est pas une résignation, mais une vue. C’est la vue qui guérit, la vision vraie. Pas l’illusion, même si parfois la vérité est que nous n’avons pas de solution. Mais le reconnaître, le formuler, change tout. Comme si savoir que la porte est fermée, et l’accepter, vous la faisait traverser ! Or, la racine de la vue, c’est la contemplation. Et la racine de la contemplation, c’est l’attention.

.... Ma vie ? C’est comme si depuis toujours, j’avançais dans la brume ! Et tout ce que je vois me semble déchirer un voile de néant posé sur le monde. Soudain ça m’apparaît, dans une splendeur ! Je suis sujet à des éblouissements. Ça peut être un visage, un objet. C’est comme si la création du monde était continue, que nous étions contemporains de la création du monde. C’est comme si la création n’était pas une chose à l’arrière de nous, mais exactement en train de se faire.


Christian Bobin - Extraits article Nouvelles Clés -


lundi 30 novembre 2009

Osho - Manquer de vigilance...


Demandez le pardon pour votre manque de vigilance, pas pour votre colère et souvenez-vous, le problème réel n'est pas colère. Le problème réel est le manque de vigilance.

Aussi, la prochaine fois soyez plus vigilant. Que ce soit la colère, la haine, la jalousie, la possessivité, mille et une choses sont là... mais la vraie maladie est l'inconscience.
Ce sont toutes des facettes d'une même chose.

Un homme qui est conscient, ne se repent jamais. Quoi que ce soit qu'il n'a pas pu faire, il ne l'a pas fait. Il n'y a aucune raison de se lamenter, de se critiquer, de se sentir désolé, ce sont toutes des maladies. Aussi, lâchez cela.

C'est bien une satisfaction de l'ego. Vous faites quelque chose et ensuite vous commencez à l'améliorer dans votre tête. Cela montre simplement que vous avez fait quelque chose qui tombe en dessous de votre image d'amour propre. Vous avez été fâché et vous pensez toujours que vous êtes une personne très très bonne et que vous n'êtes jamais fâché -et pourtant vous avez été fâché. Alors, vous constatez que votre amour propre a déchu. Que faites vous? Vous vous condamnez à vos propres yeux.

Lorsque quelque chose est là, lorsque quelque chose se produit, prenez-en conscience, ne soyez jamais critique. Parce que dans ce moment de conscience, quelque chose peut être transformé. Si vous êtes vigilant, vous ferez peut-être peu de choses, vous ferez d'autres choses. Si vous êtes conscient, vous ne pourrez pas faire les erreurs que vous continuez de critiquer. Être conscient n'a jamais été quelque chose pour lequel il y a une possibilité de repentance.


Osho - Extraits de lecture sur internet



lundi 23 novembre 2009

Ah! Ton être même est le maître parfait.
Reconnaissant ta nature, porte cela en ton coeur.
Pour tous ceux qui ne l'ont pas réalisé,
Génère de la compassion,
Pour les aider à trouver cet espace pur et saint.

Invocation bouddhiste


samedi 21 novembre 2009

Jean Klein - Etre en relation, être en reliance




Être humain, c'est être relié. En tant qu'êtres humains, nous vivons en relation avec les éléments : le soleil, la lune, les pierres sur le sol et tous les êtres vivants. Mais qu'est-ce que "être relié ", "vivre en relation avec"?

En général, lorsque nous utilisons ces mots, nous voulons dire un lien de quelque sorte entre des entités individuelles, d'objet à objet, ou de sujet à objet. Le mot " relation" présuppose ici séparation, la jonction de plusieurs fractions. Cette vision fractionnelle de la notion de relation est purement conceptuelle. C'est une fiction du mental et cela n'a rien à voir avec la perception pure, la réalité, ce qui est réellement.

Lorsque nous vivons libres de toutes idées et projections, nous entrons en contact direct avec notre environnement. Pratiquement, donc, avant de pouvoir être reliés à notre environnement. nous devons d'abord savoir comment être reliés à ce qui est le plus proche de nous : notre corps, nos sens, notre mental. Le seul obstacle à une perception claire de notre nature véritable est l'idée maîtresse d'être un individu séparé, vivant dans un monde avec d'autres individus séparés.

Tout phénomène, toute existence est une expression au sein de la globalité, et toutes les variétés d'expressions n'ont un sens et un rapport qu'uniquement dans cette lumière. Etre en relation, c'est être en relation à l'intérieur du Tout. Puisqu'il n'y a pas rencontre des fractions dans le Tout, il n'y a pas d' "autre". Donc, à strictement parler, dans la relation parfaite, il n'y a pas rapport, il n'y a pas dualité - il y a seulement globalité.

Toute perception pointe directement vers notre être premier, vers la paix, le non-état naturel commun à toute existence.

Ainsi, en langage humain, être en relation c'est être en communion avec le Tout. Dans cette communion, la soi-disant présence de l'autre est ressentie comme un don spontané, et notre propre présence est une réception spontanée. Il n'y a plus sensation de manque, donc du besoin d'exister, parce que le seul fait de recevoir nous amène à notre ouverture.

Lorsque nous vivons dans l'ouverture la première impulsion est d'offrir.
Etre dans l'ouverture et dans le mouvement spontané d'offrande, c'est l'amour.
L'amour est méditation ; c'est une nouvelle dimension donnée à la vie.

Les relations sont le miroir dans lequel se reflète votre être intérieur. Soyez conscient d'être un chaînon dans la chaîne de l'existence. Lorsque vous ressentez vraiment cela, l'accent n'est plus mis sur le fait d'être un individu, et vous sortez spontanément de votre restriction. Vous ne vivez plus dans l'isolement, dans l'autonomie. Etre en relation est le pressentiment de la Présence.


Jean Klein - Qui suis-je, la quête sacrée - Editions Albin Michel





mardi 17 novembre 2009

Annick de Souzenelle - L'étreinte ou l'expérience du tout possible ...


... Un espace nouveau s'ouvre ; les deux amants s'y précipitent, émerveillés et douloureux de découvrir une cime derrière la cime atteinte, et encore une autre.

Le temps s'anéantit. D'infinis espaces surgissent, qui rendent transparents l'un à l'autre ces deux êtres défaillants et grandis l'un par l'autre ; ils font un instant l'expérience du tout possible dont la réalité fugitive n'appartient qu'au seul état de résurrection, comme si le transport amoureux les transportait en effet en amont de leur exil, ou au-delà de lui, «là où il n'y a plus ni peurs, ni maux, ni tourments, ni soupirs, mais la vie éternelle».

Ce poème, chanté pour nos défunts, ne leur est pas étranger tant ils vivent une mort à ce qui était auparavant banalisation d'un quotidien vide de l'autre pour chacun. Chacun se fait harpe entre les doigts de l'autre pour extraire des deux sons qui s'élèvent une seule musique. Les mystiques en font l'expérience ; porté au registre amoureux, cela est aussi vrai pour deux amants dont les caresses épandues sur les émergences sensibles du corps, mais aussi de l'âme, éveillent un chant, une danse, une extase! Le visage de l'autre reflète la beauté première du monde. Celui - celle - qui s'y plonge est alors revêtu de sa propre infinitude !

Plénitude de l'instant rendu capable d'éternité!

C'est parce qu'il est sauvage que ce feu est sacré.

Le sacré tient de l'archaïsme le plus pur ou des archétypes reconquis.

L'amour est le feu du souffle qui va de l'un à l'autre de ces deux pôles de vie.

Lorsqu'il est partagé dans l'étreinte, il fait tressaillir et chanter le ciel et la terre ...


Annick de Souzenelle - L'arc et la flèche, merveilles de l'Eros - Editions Albin Michel



jeudi 12 novembre 2009


B. Blin et B. Chavas - Les royaumes au delà du Moi



... La souffrance est toujours l'affaire de l'ego, aux prises avec les dynamiques psychologiques et émotionnelles qui vont des simples frustrations aux blessures archaïques les plus invalidantes.
La porte ouverte par la psychologie transpersonnelle nous invite dans les royaumes au-delà du moi, dans les espaces où le l'ego s'incline devant la majesté et l'immensité de ce qui nous crée et nous relie.
Et souvent grâce à la souffrance qui ouvre le chemin, nous pouvons effleurer la vision de l'indicible cohérence et de l'articulation parfaite de toute chose.


Bernadette Blin et Brigitte Chavas - Guérir l'ego Révéler l'être - Editions Guy Trédaniel




lundi 9 novembre 2009

John Welwood - La relation intime est une danse initiatique ...



Une relation intime est une danse de contradictions, dynamique et souvent étourdissante ; parfois délicieuse et séduisante, parfois féroce et combative, parfois énergisante et parfois exténuante.
Cette danse requiert d'être capable de se couler constamment dans des allers-retours entre des pôles opposés - entre se rejoindre et se séparer, saisir et lâcher prise, s'impliquer et donner de l'espace, céder et prendre la tête, se soumettre et rester ferme, être doux et être fort.

Ce n’est pas une danse facile à apprendre. De nombreux couples perdent rapidement le rythme, sont à contre-temps et aboutissent à une impasse dans des positions antagonistes, luttant pour la suprématie, tirant à hue et à dia, attaquant ou battant en retraite.
Ceux qui enseignent cette danse sont peu nombreux et, à mesure que les années passent, les pas de danse conventionnels que notre culture nous a appris semblent de plus en plus raides et démodés. Nous pouvons nous demander comment il est possible de danser avec grâce et puissance.

Ces allées et venues commencent dès que nous sommes attirés par une autre personne qui nous émeut. D'un côté, nous aspirons à rompre notre état séparé et à aller à la rencontre de cette personne qui représente un monde totalement nouveau et inexploré. Pourtant en même temps, nous expérimentons aussi de l'inquiétude. Aller vers quelqu'un d'autre implique certains risques importants et nous nous retrouvons en train de nous cramponner autant que nous le pouvons à cet état même de séparation que nous souhaitons surmonter. Dans notre attirance pour une autre personne, nous semblons nous dilater et nous contracter en même temps, ou du moins selon une alternance rapide.

La pratique de la méditation peut nous apprendre comment nous couler dans la danse de la relation, puisqu'elle est destinée à vaincre la fracture entre soi et l’autre - en premier lieu à l'intérieur de nous-mêmes.
En s’asseyant calmement, en suivant notre respiration tout en laissant nos pensées et sentiments s'élever et disparaître, nous commençons à surmonter la séparation entre notre propre expérience, que nous maintenons souvent à distance. Nous voyons comment la lutte pour nous accrocher à des expériences que nous aimons et pour rejeter celles que nous n'aimons pas, nous maintient coincés dans un esprit réactionnel et nous empêche d'être totalement présent. En nous libérant de cette lutte avec notre expérience, nous découvrons notre nature plus vaste qui a la capacité d'être avec ce qui est, libre de réactivité.

Dans une relation, maintenir notre assise peut signifier maintenir notre propre sens d'intégrité, face aux demandes et aux manipulations extérieures ou aux peurs et aux compulsions intérieures.
Et la pratique méditative de l’abandon des fixations mentales peut correspondre dans une relation au fait de ne pas s’enfermer dans une position fixe, quelle qu’elle soit, de ne pas transformer son ego en une forteresse solide, mais d’accepter volontiers d’adoucir son cœur, de baisser la garde et de se risquer à l’amour.

Au-delà de cela, l'amour entre un homme représente un défi sacré - d'aller au-delà de la poursuite entêtée de gratifications purement personnelles, de la guerre entre soi et l’autre et de découvrir ce qu’il y a de plus essentiel et de plus réel, de percevoir les hauts et les bas de la vie comme formant un tout. En nous aidant à nous guérir de notre aliénation de la vie, des autres et de nous-même, la relation devient un chemin sacré.

Je n'entends pas que la relation soit en elle-même et par elle-même un chemin complet pouvant se substituer à d'autres pratiques spirituelles. Mais si nous aspirons et nous nous consacrons quel que peu à nous éveiller à notre véritable nature, une relation, parallèlement à une pratique qui nous aide à y parvenir, peut alors dans ce contexte, être un moyen particulièrement puissant de nous aider à entrer en contact avec un niveau de vérité plus puissant.

Sous cet angle, les défis difficiles auxquels sont confrontés les hommes et les femmes qui unissent leurs énergies ne sont pas uniquement des épreuves personnelles. Ce sont également des invitations à nous ouvrir au jeu sacré du connu et de l'inconnu, du visible et de l'invisible, et aux vérités plus vastes, nées d'un contact intime avec le grand mystère de la vie elle-même.


John Welwood - Pour une psychologie de l'éveil - Editions La Table Ronde



lundi 2 novembre 2009

Jean Yves Leloup - Etre proche de notre désir le plus essentiel


La maladie pour les Thérapeutes d’Alexandrie vient de ce que l’homme a perdu l’orientation juste de son désir. Être malade c’est être à côté de son vrai désir, et la santé c’est être proche de son désir le plus intime, le plus essentiel.
Ce n’est pas évident de découvrir notre véritable désir, de le désidentifier du désir de notre environnement, de notre père, de notre mère, de tous ceux qui ont marqué et marquent encore notre existence. Qu’est-ce que je désire vraiment? Qu’est ce que je veux vraiment?
Si l’on peut répondre à cette question l’on ne se porte pas si mal. On va chez les Thérapeutes pour arrêter de désirer du désir des autres, pour sortir des désirs de l’environnement qui nous manipule, des désirs qui dans notre inconscient agissent à notre place, ce qui nous déséquilibre, nous rend plus ou moins schizophrène, c’est-à-dire nous sépare de notre être et de notre désir essentiel. Chez les Thérapeutes il nous est offert un lieu, un espace où on peut se poser la question : « Qu’est-ce que je désire vraiment, quelles sont les valeurs qui orientent ma vie ? »

Donc le Thérapeute prend soin du désir, des valeurs qui orientent le désir, sachant que le malaise, la souffrance viennent de ce qu’on est coupé de son désir, coupé de son être essentiel. Le malheur c’est d’avoir perdu cet espace de silence et de liberté à l’intérieur de soi.

Peut-être vivons-nous dans l’espace-temps pas seulement pour «faire», pour produire, pour agir, mais aussi pour prendre conscience de cet espace intérieur, de cette liberté.

Si savoir ce qu’on désire, retrouver son désir le plus essentiel, le plus intime est important, il y a aussi dans l’homme un désir qu’aucune chose désirable ne peut combler. La guérison sur ce chemin – si on peut parler de guérison – est d’assumer le manque, d’accepter qu’il y ait en nous un désir qui ne sera jamais comblé.
Il y a en nous un désir d’infini qui est fait pour l’infini. Et il faut cesser de demander l’infini aux êtres finis, cesser de demander à cet homme, à cette femme d’être tout, parce qu’ils ne sont pas tout. Être adulte c’est assumer le manque. Non pas chercher à le combler, mais savoir que si on le comble on risque d’être dans une illusion, et plus tard de souffrir d’amertume et de déception lorsqu’on découvrira l’illusion.

Les Thérapeutes veille sur les « pathologies ». Dans la tradition chrétienne, cela donne le mot «passion». On est dans une démarche où il s’agit d’observer les passions, les émotions, les impulsions qui nous habitent. Pas pour les détruire, pas pour les nier, mais d’abord pour les observer et pour s’en désidentifier. Il peut y avoir de la colère en nous, mais nous ne sommes pas cette colère. Il peut y avoir de la jalousie, mais nous ne sommes pas cette jalousie. Il s’agit d’observer les émotions, les pulsions, les passions qui nous animent et qui peuvent provenir d’événements du passé qui se projettent sur le présent, et être libre de ces émotions, de ces pulsions, de ces passions.
Les Thérapeutes appellent cela le «soin éthique». Prendre soin de son éthique, c’est prendre soin de sa liberté, prendre soin de ce qui, en nous, est libre des émotions et des passions – c’est-à-dire prendre soin de son Être. C’est prendre soin de la liberté qui est en nous, liberté à laquelle on ne croit d’ailleurs plus tellement, tellement on est conditionné par notre passé, nos mémoires, notre environnement, la société dans laquelle on est. C’est prendre soin de ce qui en nous est inconditionné. C’est à partir de cette liberté que la guérison va pouvoir opérer.

La thérapie est donc une voie de connaissance. Nous avons perdu la connaissance de la réalité parce que sur cette réalité nous projetons sans cesse notre mémoire, notre passé, et nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont. Le thérapeute a pour fonction d’aider la personne souffrante à retrouver la vision juste des choses, à voir clair. Lorsque nous sommes malades et malheureux nous ne voyons pas le sens de ce qui nous arrive. On peut souffrir, on peut avoir mal, mais si on peut donner du sens à cette souffrance, on souffre moins. A travers les expériences de la maladie, les expériences de la souffrance physique ou psychique, il peut y avoir un travail intérieur qui se fait, et cela doit être écouté et accueilli.

Jean Yves Leloup - Les Thérapeutes d'Alexandrie - Extraits d'un texte publié sur internet




mercredi 28 octobre 2009

Dans l'espace entre les pensées,
la sagesse non conceptuelle
brille continuellement.

Milarepa


samedi 24 octobre 2009

John Welwood - Notre manière d'être avec notre expérience



À ce point, tout ce qui est expérimenté dans la vie quotidienne à travers la perception sensorielle est une expérience nue, car elle est directe. Il n’y a pas de voile entre «nous» et «ça». Le Tantra n’apprend pas à réprimer ni à détruire une énergie mais à la transmuter ; en d'autres termes, à s'accorder avec la forme d'énergie ... Quand «nous» allons de pair avec l'énergie, l'expérience devient alors très créative ... Nous réalisons que nous n’avons plus à abandonner quoi que ce soit. Nous commençons à voir les qualités de sagesse, sous-jacentes à la situation de notre vie... Si nous sommes très impliqué dans une émotion comme la colère, alors, en ayant une vision soudaine, momentanée, d'ouverture ... Nous commençons à voir que nous n’avons pas à refouler notre énergie ... mais que nous pouvons transformer notre agressivité en énergie dynamique ... Si nous sentons réellement la qualité vivante, la texture des émotions telles qu'elles sont dans leur nudité, cette expérience contient alors la vérité ultime ... Nous découvrons que l'émotion en fait n’existe pas telle qu'elle apparaît mais qu'elle contient beaucoup de sagesse et d'espace ouvert ... Le processus de ... transmutation des émotions se met ensuite en place automatiquement.


Nous ressentons un bouleversement émotionnel tel qu'il est, mais ... devenons un avec lui... Soyons dans l'émotion, traversons la, abandonnons-nous à elle, faisons-en l'expérience. Nous commençons à aller vers l'émotion, au lieu de simplement ressentir l'émotion venir vers nous ... Les énergies les plus puissantes deviennent alors parfaitement utilisables ... Tout ce qui advient dans l'esprit est considéré comme le chemin ; tout est utilisable. C'est une proclamation intrépide … C’est le rugissement du lion.

Le piège spirituel subtil du travail psychologique est qu'il peut renforcer certaines tendances inhérentes à la personnalité conditionnée : se voir comme un actif, toujours rechercher le sens dans l'expérience ou faire continuellement des efforts pour «quelque chose de mieux». Bien que la réflexion psychologique puisse certainement aider les gens à progresser de manière importante, à un certain stade, même le plus petit désir de changement ou d'amélioration peut interférer avec la détente et le lâcher-prise plus profonds qui sont nécessaires pour passer du domaine de la personnalité à celui de l'être, que l'on ne peut découvrir que dans et à travers l'instantanéité présente - dans les moments où cessent toute conceptualisation et tout effort.

Quand nous laissons l'expérience être telle qu'elle est, au lieu de chercher à l'altérer d'une façon quelconque, le centre d'intérêt du travail intérieur se déplace de manière importante et forte. Notre expérience n'est plus quelque chose de séparé de nous, que nous avons besoin de transformer ou de résoudre ; au lieu de cela, le centre d'intérêt s'élargit au champ plus vaste : notre-manière-d'être-avec-notre-expérience. Et quand nous nous relions de façon plus spacieuse et ouverte à notre expérience, celle-ci devient moins problématique car nous ne vivons plus dans une tension je/elle, sujet/objet, vis-à-vis de cette expérience.

Bien que le but principal de la psychothérapie soit de réduire la détresse psychologique et d'accroître la compréhension de soi plutôt que de dépasser la conscience divisée, nous pouvons ressentir malgré tout un besoin de pratiquer une thérapie plus en accord avec la qualité de non-agir de la présence méditative. En étant inspiré en ce sens par des moments au cours desquels nous nous ouvrons à notre expérience simplement telle qu'elle est, nous amène à un sens de présence plus complet - une forme «d'être sans programme» conduisant à un puissant sentiment de calme, d'acceptation et de vie. De tels moments offrent un aperçu de ce qui demeure de l'autre côté de la conscience divisée : être un avec soi-même d'une façon nouvelle, plus profonde.

Il y a, bien sûr, un temps pour essayer activement de pénétrer les voiles de l'expérience, tout comme il y a un temps pour permettre à l'expérience d'être telle qu'elle est. Si nous sommes incapables ou peu enclins à nous occuper activement des problèmes de notre vie personnelle, laisser être peut alors devenir une attitude de dérobade et une impasse. Toutefois, si nous sommes incapables de laisser notre expérience être, ou de nous y ouvrir simplement telle qu'elle est, notre travail psychologique risque alors de renforcer la tendance habituelle de la personnalité conditionnée consistant à nous détourner de l'instant présent.


John Welwood - Psychologie de l'Eveil - Editions La Table Ronde



mardi 20 octobre 2009

Andrew Cohen - L'abandon, au delà de la stratégie


L'abandon nous conduit, au-delà de ce que nous pouvons comprendre, directement à ce que nous pouvons connaître, mais jamais comprendre. L'abandon passe par l'expérience. Au delà de la compréhension signifie au-delà du mental, au-delà de l'ego, au-delà de toute référence.

La reconnaissance, la réalisation et l'acceptation de cela qui est au-delà de la compréhension constitue l'abandon. L'abandon rend nul et non avenue toute stratégie que le mental peut vous suggérer pour nous mener au-delà de lui-même.

Aucune stratégie ne peut atteindre ce qui est au delà du mental, hormis celle de renoncer à toutes les stratégies quelles qu'elles soient. Voilà en quoi consiste l'abandon. Cela même qui est à jamais au-delà du mental et de l'ego représente toujours le défi ultime pour le mental et l'ego. Voilà pourquoi l'abandon est le défi ultime. C'est dans la perspective de ce défi que l'ensemble de ce qui se joue sur la scène de l'existence devient profond et fascinant.


Andrew Cohen



samedi 17 octobre 2009




Dans le pré en friche, des petites fleurs dont la blancheur de craie ferait paraître sale la neige la plus fraîche. Elles sont disséminées par groupe de dix ou douze dans les hautes herbes - des communiantes qui auraient échappé à l'église et au banquet, une école buissonnière céleste.
De retour dans le bureau, j'écoute "L'Art de la fugue" de Bach, au clavecin - le même air depuis des semaines.

Il suffit de toujours admirer la même chose, insignifiante comme une petite fleur de feu blanc ou vite évanouie comme une ritournelle de Bach au clavecin - et dans cette attention, par cette gracieuse monotonie : l'univers descend dans l'âme et s'y tient comme dans une boîte d'allumettes avec toutes ses étoiles, ses lunes et ses muettes innocences.

Christian Bobin


jeudi 15 octobre 2009

Denise Desjardins - Que peut le oui ?


Que peut le oui ? Rien, s'il est passivité, résignation, répression du non, accablement. Tout, s'il est processus dynamique, vision juste. Tenter
d'accueillir l'émotion, de rester quelque temps en sa compagnie ; la voir sans la nier, la reconnaître sans la juger, bien sûr, c'est lui dire oui. Bien sûr, c'est être « un » avec elle.

Au lieu de me diviser en la refusant, la refoulant, je l'accompagne. Unifié, je colle toujours au principe de non-dualité. Même si je suis perturbé, en acceptant de l’être, je retrouve mon unité et suis de nouveau en accord avec la vérité non-duelle. Je laisse «l'Enfer» du conflit et regagne mon «Paradis» de tranquillité. Mais - nuance - non d'indifférence qui est le résultat d'un refoulement déguisé en simili d'acceptation, un oui du bout des lèvres. Un refus masqué, en somme.

L'indifférence, ou une excessive politesse, camouflent l'émotion en la réprimant. Masques derrière lesquels nous nous figeons pour nous couper de l'émotionnel, sans le résoudre ni le transmuer. Si la non-dualité est un principe vrai, il se retrouve partout, également dans nos processus psychiques. C'est précisément pourquoi dès qu'apparaît, dans notre monde intérieur, la moindre division ou la plus mince hésitation, il en résulte une gêne obscure nous servant de signal : "Attention - Déviation". Nous ne sommes plus dans la vérité.!
Rétablir l'aise, renouer avec le «Paradis», c'est se sentir à nouveau unifié, même avec ses bourrasques intimes.

Ce qui nécessite quelque peu de vigilance. Emotion plus vigilance égale flot d'énergie plus vigilance. Résultat : éveil intérieur. Une équation forte parce que nourrie de vérité. Si j'y parviens ... Il n'est guère facile de vivre simultanément sur ces deux niveaux, d'assembler ces deux pôles contraires : trouble dynamique et lueur de lucidité ; ou tout au moins d'établir un pont intermittent, un va-et-vient entre les deux. Voilà une liberté intérieure dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle sort du troupeau de nos habitudes mentales.

Calme ou tendu, heureux ou perturbé, beaucoup de circonvolutions avant de parvenir, en toutes circonstances, à garder un point fixe - comme le derviche tourneur maintient en lui, même au plus fort du tourbillon un axe d'immobilité tranquille.


Denise Desjardins - La stratégie du Oui - Editions Pocket


jeudi 8 octobre 2009

Quelque part,
se tenir
précisément
tendrement
immobile...
Epousant
les courbes
de l'invisible infini fiancé.

Etre dansé par le Souffle,
Inspiré par le Vent.

Le fond de l'Etre est doux...


Jean Yves Leloup


mardi 6 octobre 2009


Qu'y a t'il a attendre de l'autre,
quand tout est déjà déposé en soi et ne demande qu'à fructifier ?
C'est parce que notre profondeur les appelle
que les rencontres se font.
Nous les disons providentielles
mais ce n'est que la loi de l'âme
que de permettre à la personne de grandir
à travers retrouvailles et éloignements.

Tout est absolument juste et à sa place.

Tout autant, l'autre est nécessaire à notre construction.
Nous ne pouvons bâtir notre singularité sans lui.
Notre originalité a besoin de lui pour s'épanouir.
Quel qu'il soit, il est notre miroir.
Il est le révélateur de ce que nous avons choisi de vivre
de ce que nous avons peur de vivre.
Il est le révélateur de ce à quoi nous aspirons,
de ce à quoi nous renonçons, nous nous résignons.
Il révèle Celui ou Celle que nous sommes.

La relation amoureuse est l'espace privilégié
dans lequel se dévoile notre nature sacrée.
La relation amoureuse danse et célèbre la vie ;
elle voit croitre tout, tout le Meilleur de Nous.



Inspiré d'un texte lu sur internet


samedi 3 octobre 2009



Diamant par mmarsupilami

Karlfried Graf Durckheim - L'expérience au delà du concept ...


Sur le plan de l'expérience, le mot essentiel indique quelque chose qui nous touche dans une profondeur. Peut-être même pourrait-on dire que cette qualité touche un autre nous-mêmes, dans le sens où, dans cette expérience, nous ne sommes plus le même, nous sommes autre.

Il nous faut aussi parler de nous-mêmes en tant qu'Etre essentiel. On pourrait dire qu'existe l'homme en tant qu'être conditionné par les conditions de son existence et les circonstances. Et existe l'homme en tant qu'être non conditionné. Et c'est là qu'il manifeste l'Être, avec un grand E, qui cherche à se réaliser dans l'homme à travers ce que j'appelle son Être essentiel.

Il faut bien parler d'un Etre essentiel en nous-mêmes, ce n'est pas l'essence. C'est un toi, c'est quelque chose qui nous appelle, qui nous touche et vis-à-vis duquel on sent une responsabilité. C'est dans la mesure où nous pourrons nous ouvrir à l'Être essentiel présent en nous-mêmes que nous pourrons goûter dans tout ce qui nous entoure cette autre dimension qui dépasse ce que nous entendons par réalité existentielle

Le mot essentiel représente pour moi autre chose que l'essence de toutes choses. L'essence c'est un terme philosophique. Le mot essentiel, pour moi, indique une expérience.

La philosophie occidentale a depuis toujours fait de son mieux pour transformer les expériences de l'homme en concepts. Jusqu'à Descartes pour lequel à la fin le mot réel, ou réalité, peut être donné à ce qui entre dans un ordre de concepts bien définis. Ce qui n'entre pas dans cet ordre n'a pas de réalité. Nous devons aujourd'hui reconnaître qu'il y a des expériences pour lesquelles on n'a pas de concept. Et les concepts les plus clairs sont les plus éloignés des expériences les plus profondes. Ainsi le mot Etre, qui est pour ainsi dire le sommet de la pyramide des concepts, est le concept le plus abstrait au monde. Mais si la pyramide a sa pointe dirigée vers le bas, le mot Etre indique la chose la plus concrète en tant qu’expérience.

Et voilà la différence entre la philosophie occidentale et la sagesse orientale. La sagesse orientale se sert des mots pour indiquer des expériences qu'on ne peut pas définir. Tandis que tout l'effort des philosophes occidentaux était de bien établir un ordre de concepts qui explique et fixe des expériences. Mais, ce faisant on enlève à celles-ci leur force créatrice qui conduit à la transformation de l'homme.

Il faut dire que vis-à-vis de l'essentiel il est des gens qui sont sourds et aveugles malgré toute leur intelligence. Un être intelligent n'est pas nécessairement spirituel. Et il est des gens d'une grande simplicité intellectuelle qui ont le goût pour la qualité numineuse de l'essentiel. Ce sont ces derniers qui peuvent se rendre compte que l'expérience qu'ils ont vécue représente une chance pour leur existence. Ils peuvent alors cultiver le champ de leur existence pour y retrouver l'essentiel qui s'est manifesté à eux le temps d'une expérience. Ce travail commence avec le développement de l'organe du goût de l'essentiel, le corps que nous sommes.

Karlfried Graf Durckheim - Le centre de l'Etre - Editions Albin Michel


lundi 28 septembre 2009

Karlfried Graf Durckheim - Faire l'expérience libératrice de l'Etre



Pour ce qui est des grandes expériences je pars, une fois encore, des trois grandes détresses de la vie humaine, la peur de la mort, le désespoir vis-à-vis de l'absurde et la tristesse dans l'isolement.

L'homme confronté à ces situations limites se sent détruit, au bord de l'annihilation. Et c'est là, où l'homme en tant que moi existentiel ne peut plus accepter ce qu'il vit, qu'il a encore la chance de faire l'expérience libératrice de toute angoisse, l'expérience libératrice du désespoir et l'expérience libératrice de la tristesse! C'est là que l'homme, qui est bien plus que son moi existentiel, fait l'expérience de l'Être transcendant et immanent.

Comment arrive-t-il à cette expérience ? Paradoxalement, c’est en acceptant ce qu’en tant que moi existentiel il ne peut pas accepter. C'est en acceptant la mort, en acceptant l'absurde et en acceptant l'isolement qu'il peut faire l'expérience de ce qui est au-delà de son horizon existentiel.
Il fait au moment même l’expérience d’une force dans la faiblesse, d’un sens dans le non sens et d’un amour dans l’isolement.

Je n'invente rien, j'écoute avec étonnement des hommes et des femmes qui me parlent de leur expérience, laquelle ne peut être comprise que comme la manifestation d'une réalité transcendante. Cette réalité transcendante n'est plus ici le contenu d'une croyance mais le contenu d'une expérience.


Karlfried Graf Durckheim - Le Centre de l'Etre - Editions Albin Michel


samedi 26 septembre 2009


".... Il mourut avant elle et c'est sans importance ;
l'amour ayant dès sa venue,
dès son premier frémissement,
aboli les vieux décrets du temps,
supprimé ces distinctions de l'avant et de l'après ;
ayant seulement maintenu l'aujourd'hui éternel des vivants,
l'aujourd'hui amoureux de l'amour."


Christian Bobin


mardi 22 septembre 2009

Arnaud Desjardins - Notre état naturel heureux



« Qu'est-ce que je veux ? C'est être heureux. (…) Est-ce qu'il n'y a pas à regarder plus profondément ? Et là, vous ferez une découverte : c'est qu'en fait, votre état fondamental – que vous connaissez encore bien peu - est complètement heureux par lui-même. (…)
Vous avez l'impression que ce que vous cherchez, le bonheur, est dans les objets, les accomplissements, quels qu’ils soient. Quand je dis les objets, ce n'est pas seulement un autre humain dans la relation amou­reuse ou sexuelle, ni une voiture ou un manteau de fourrure. Ce qui se passe, c'est qu'au moment où un désir est accompli, une certaine tension lâche et vous mène à votre état naturel heureux. Et ça, peu à peu, vous le découvrez : c'est une illusion de croire que le bonheur auquel vous aspirez est dans les objets. Il est en vous-même. Le désir vous met en exile et, au moment où ce désir est accompli, vous êtes en contact avec cette plénitude intime, la vraie joie de vivre.

Votre vraie nature essentielle n'est pas du tout frustrée : elle est plénitude, complètement heureuse. Mais les désirs vous font croire que vous en êtes coupé. L'accomplissement du désir vous remet en contact pendant un instant avec cet état heureux natu­rel par ce qu’il y a une détente - et puis apparaît de nouveau un désir ou une crainte qui vous donne l’impression d’un manque. »

Arnaud Desjardins - Retour à l'essentiel - Editions Poche


vendredi 18 septembre 2009


the path par ~ Teresa

Rien n'est éloigné de nos songes,
rien n'est trop fort à nos désirs,
rien ne peut faire que l'on renonce
à ce qu'il y a d'absolu sous nos pas.


André Velter



mardi 15 septembre 2009

Jean Marc Mantel - Plaisir et joie : une dépendance ?



Pourquoi un état devient-il attachant ? Parce qu'il est assimilé à une expérience de plaisir.
Le plaisir est une sensation particulière. On pourrait la nommer vibration, tant elle transporte les sens dans un royaume qui lui est propre. Selon le lieu où cette vibration est ressentie, l'objet de plaisir se transforme.
Examinons sa relation à la joie. Ils diffèrent tous deux tout d'abord quant à la durée. Le plaisir, même prolongé, est limité dans le temps. La joie peut durer… toute l'éternité. Le plaisir est limité dans sa localisation. La joie ne peut être localisée. Le plaisir requiert un "objet" pour s'éveiller. La joie ne requiert que la joie pour se révéler.
Le plaisir peut être donc vu comme une fenêtre ouverte vers la joie, prémisse d'une permanence qui se cherche. Qui n'a donc pas désiré que le plaisir ne cesse jamais ? Or, aussitôt né, il cherche déjà à s'en aller, nous laissant à nouveau tout seul, dans une solitude abhorrée.
L'attachement au plaisir, qui est au cœur de la dépendance, ne serait-il qu'un attachement à la joie, ainsi déguisée ? Le plaisir viendrait-il éveiller nos sens pour nous révéler la joie par lui masquée ?

On voit ainsi que transparaît, derrière l'expérience de la dépendance, une expérience plus fondamentale, celle de l'être. La division entre un sujet dépendant et un objet de dépendance peut-elle être abolie ? N'est-ce pas le propre de l'amour que de faire fusionner le sujet amoureux et son objet d'amour ? Je deviens ce que je désire. Je deviens donc ce plaisir que je désire. Je me perds en l'objet de mon propre désir. Je suis ce que je désire. Divine ivresse dans laquelle se perd le "je".

D'où peut-on contempler la division si ce n'est de l'indivision ? Si nous n'étions pas un, comment pourrions-nous connaître le deux ? La quête de l'un ne passe-t-elle pas par la vision du deux ?
Nous voici donc au point-même où nous nous trouvons, là où nous sommes dans cet instant. Ici-même, sans distance, un !
De l'objet de dépendance au sujet dépendant, il n'y aurait donc aucune distance. "Je" est le pont entre le sujet et l'objet. "Je" est ce vers quoi tendent à la fois l'objet et le sujet. "Je" est un, malgré ses apparences multiples. "Je" est ce que je désire, bien que les objets apparents du désir soient infinis.

Explorer la dépendance signifie donc s'explorer soi-même. Explorer le moi, dans toutes ses facettes, et se retourner vers le connaisseur du moi, celui qui se sait sans pouvoir se nommer.
Laissons donc au sans-nom la primeur de cette enquête, qui nous a conduits depuis les affres du plaisir jusqu'au contentement de la joie. C'est ainsi la joie qui se cherche derrière tous les désirs et plaisirs. Rendons hommage à l'objet suprême de la dépendance, la joie qui ne se laisse jamais saisir, mais qui peut nous saisir, qui se reflète dans les miroirs du corps et de l'esprit sans pour autant leur appartenir, qui n'a de cesse tant qu'elle ne nous a pas complètement absorbés, qui est quand je ne suis pas. Elle se réjouit de mon absence, et s'épanouit dans ma présence. Hommage à elle, source de toute dépendance et libre de toute dépendance.


Jean Marc Mantel - Le plaisir et la joie, hymne à l'impérissable (texte écrit à l'attention d'un ouvrage collectif)



jeudi 10 septembre 2009

Notre royauté intérieure



Au cœur de nous-mêmes se fonde une royauté. Celle de notre être souverain du vivant.

Notre roi intérieur nous invite à remonter à la racine de nos désirs et à identifier quelle qualité d’être, en nous, aurait intérêt à un accomplissement.
Ainsi nous découvrons, derrière nos innombrables fantasmes et désirs imaginaires, un désir infini, direct et essentiel qui, répondant à une prédisposition, cherchera dans l’accomplissement, à exprimer cette qualité.

La vie trouve dans le cœur du « héros intérieur » le désir, et dans l’intelligence du « roi intérieur » l’intention, pour faire germer en nous cette qualité qui demande à éclore.
Pour donner une réalisation à nos désirs, la vie nous demande de faire du déploiement de cette qualité un besoin vital. C’est alors que nous profiterons de la magie de la vie. Sans doute aussi pourrons nous con-sacrer notre énergie, dont celle de l’amour à la plénitude et à la vastitude.

Inspiré d'un extrait de lecture sur internet


mardi 8 septembre 2009



141|365 ||| under the waves par .bella.



Risquer la vie ; risquer de laisser venir la vie.
Toute modification est celle de la vie,
du vivant qui entre dans la variabilité.


Je ne cherche pas à sentir que je suis vivant.
Cela arrive quand j'adhère à ma forme de vie,
c'est à dire à toutes les circonstances de mon état d'être vivant.

Il faut trouver sans chercher.
C'est là qu'il faut arriver.

Le chemin est celui d'une recherche qui aboutit à l'impasse.
Lorsque l'on a désespéré de trouver,
la recherche s'arrête dans le désespoir

et c'est ce moment de désespérance qui permet l'illumination.
On trouve sans avoir plus à chercher
et parce que l'on a plus à chercher.


François Roustang


vendredi 4 septembre 2009

Christiane Singer - Entre le cœur du monde et le mien, tout coule de source



L'état amoureux donne un goût de l’élan ; cet élan qui porte, jette l’être entier en avant vers les bras de l'aimé(e).


J'ose prétendre que si en cet instant, en de multiples endroits du monde, des femmes ne s'élançaient pas vers leurs aimés, des enfants dans les bras d'une mère, d'un père, des amis l'un vers l'autre, des chevreuils vers la source, si cet élan n'était pas à chaque instant tissé de neuf qui jette l'océan à la rencontre de la terre, alors le monde cesserait aussitôt d'exister. Car cet élan est le nerf de la création.

Lève-toi! Marche! Debout! « Mais je suis déjà debout! - Non, mets-toi encore debout dans ce que tu crois être debout! Ouvre les yeux ! - Mais j’ai déjà les yeux ouverts ! - Ouvre les yeux dans les yeux que tu crois avoir ouverts ... » De commencement en commencement jusqu'au commencement qui n'a pas de fin. Un moment, la peur est abrogée, la peur que nous ressentons tous à nous élancer, à nous perdre dans l'amour, à nous anéantir dans un autre. Et pourtant c'est cette expérience - qui dans l'ordre de la logique nous éloigne au maximum de ce que nous sommes - qui nous précipite au cœur de notre être véritable. En me diluant, en me perdant, je me rencontre pour la première fois. Là où je suis le plus loin de ce que je croyais être moi, je suis enfin qui je suis.

Et même si nos amours souvent se terminent en abandon, en trahison, ne prononçons pas de faux serments : «Désormais je n'aimerai plus». Mais tout au contraire, jurons-nous de ne plus jamais aimer avec l'arrière-pensée de garder et de posséder, de ne plus jamais aimer autrement que pour aimer. Sommes-nous des mercenaires pour attendre en retour une solde ?

Aimer est en soi la récompense. Chaque fois que nous aimons, le monde resplendit et jubile. Chaque nœud de bois, chaque pavé sous mon pied, chaque poignée de porte sont des talismans de l'amour! Le monde entier devient un talisman. Je ne suis plus qu'élan, rencontre, reliance. Je suis vivant! Je rayonne de ce qui est, je reflète la splendeur du monde ; entre le cœur du monde et le mien, tout coule de source.

Christiane Singer - Du bon usage des crises - Editions Albin Michel


mardi 1 septembre 2009


Toute réalité est immédiate.

La fraîcheur absolue de chaque instant coule
et le corps infini du yogin et de la yogini,
non entravé par la mémoire et la projection
réagit dans l’instant, spontanément,
connaît dans l’instant, oublie dans l’instant
car la plénitude ne laisse aucune scorie sur le rubis du Cœur.

Daniel Odier


vendredi 28 août 2009



Take 2 par Métempsycose

Christiane Singer - Laissons le chemin de Vie passer à travers nous



Consciemment ou inconsciemment, n'avons nous pas fait serment de ne jamais laisser s'embourber dans l'insignifiance cette vie qui nous a été transmise par le sacre de la naissance? Chaque fois que le danger rôde de la perdre en futilités, en broutilles, chaque fois que l'anesthésie la gagne ou que l'asphyxie la plombe, comment ne pas réagir? Comment ne pas courir ouvrir les portes et les vantaux ?

Il y a des «appels» dans l'ordre du quotidien (un besoin de solitude, un désir de voyage, de repli, de recul, de retraite, une amitié ardente) qui signalent à l'autre :
«Tu m'aimes pour cette vie qui m'habite. Elle menace de tarir. Pour la refaire jaillir, je dois faire ce pas qui peut être t'effraie ; mais je dois le faire par respect pour moi et pour toi.»
Exiger de celui qui parle ainsi qu'il fasse taire cet appel, c'est mettre en chantier la lente transformation de la relation en état de mort. Celui ou celle qui a été appelé à se mettre de quelque manière en mouvement et qui a été retenu - tant pour de bonnes raisons que par peur, par convention - ne pardonnera pas dans son for intérieur à celui (celle) qui d'un seul mot peut-être a scellé à son pied un boulet. Il reste. Elle reste. Mais qui reste au juste? Et quelle part s'éloigne ou s'éteint en catimini? Et si c'était précisément la part vibrante pour laquelle nous nous sommes aimés?

Le jardinier ne peut pas monter la garde contre les mulots, les chenilles, les taupes. Il ne peut pas guetter chaque puceron, chaque bactérie. Il ne peut pas arrêter le vent d'ouest ni dissuader la tempête de se déchaîner. Il ne peut pas interdire à la grêle de s'abattre. Il ne peut pas non plus contraindre la plante à pousser plus vite en lui tirant les feuilles, ni vouloir la garder petite. Il ne peut que «tenter de mettre toutes les chances du côté de la plante» et garder vivant avec elle un dialogue.

«Ainsi pour la relation qui nous unit. Je ne peux pas abolir ton destin, ni t'éviter épreuves et difficultés, ni enrayer tes échecs, ni provoquer ta réussite, ni entraver tes rencontres. Impossible de prendre les commandes de ta vie, de m'immiscer entre toi et ta peau, de glisser mon doigt entre ton écorce et ton aubier. Je ne peux que t'assurer de ma loyauté - ne jamais laisser tarir le dialogue entre nous, le raviver de neuf chaque jour. Mieux encore : je ne peux que respecter l'espace dont tu as besoin pour grandir, te mettre à l'abri de ma trop grande sollicitude de tout envahissement de ces rhizomes souterrains que sont les discrètes et indiscrètes manipulations de l'amour.
Jamais, quoi que je fasse, je ne serai celui ou celle qui mâche ton pain, boit ton eau, jamais je ne respirerai pour toi. Jamais ta peau ne m'invitera à m'y glisser. Jamais je ne tisserai pour toi les fils de tes rêves ni de tes pensées. Et comme tu étais seul à ta naissance, tu seras seul devant ta mort et seul, mille fois, dans les nuits d'insomnie quand un chien aboie au loin ou quand une voix que tu es seul à entendre t'appelle.

Vouloir me perdre en toi, me jeter en toi, corps et biens, avec tous mes meubles et mes trésors. T'envahir. Te combler. Te faire gardien de mes propriétés ! Il n'est pire cruauté. Car tu as une vocation, unique, une œuvre à mener à bien. Toi-même. Et pour cela, il te faut tout l'espace qui est en toi.
Dire: «Aimer c'est délivrer l'autre de mes bonnes intentions - et de moi-même» paraîtra excessif. Pourtant c'est en me détachant de toi et en m'ancrant en moi que je commence véritablement d'aimer.
Le cadeau que je peux te faire, c'est de retirer de toi toute la volonté de transformation que j'y ai mise - par zèle ou par ignorance, la retirer de toi pour la remettre où elle a sa vraie place : en moi. Ainsi, nous protégerons l'un et l'autre le secret lent et silencieux de nos gestations.
Garde tes distances sans faiblir. Il n'est que l'Éros qui puisse les abolir - pour les faire renaître tout aussitôt. Garde tes distances. Non par froideur. Garde-les par ferveur. Et cela en sachant - ô paradoxe - que tu n'es qu'une autre part de moi-même. La part qui ne se laisse ni dominer ni annexer, qui jusqu'au bout te tiendra tête. L'énigme qu'est l'Autre recule comme l'horizon à chaque pas que tu fais vers lui. L' Autre est la frontière que la Vie a dressée devant toi, afin que tu ne sois pas perverti par ta toute-puissance.»

Ici commence le royaume de l'altérité dans lequel on ne pénètre pas. Mais ne rêvons pas de révoquer la dualité. La fusion du Deux en Un est œuvre divine. Il n'est que l'Éros qui nous y fasse furtivement goûter. Et la mort.
Si la première des fidélités, nous la devons à la Vie qui est en nous, c'est bien d'une vigilance de chaque instant qu'il faut faire preuve. Tout, sur cette terre, si nous n'en prenons soin, est soumis à la lente dégradation de l'entropie. Quand l'homme cesse de se chercher au-delà de lui-même, de s'élancer, de se porter en avant, alors l'eau qui le compose stagne et croupit. L'élan qui cesse de circuler dans un corps agit comme un poison.
Ces êtres de dialogue, de partage et de mouvance que nous sommes, vivent de la magie des rencontres, meurent de leur absence. Chaque rencontre nous réinvente illico - que ce soit celle d'un paysage, d'un objet d'art, d'un arbre, d'un chat ou d'un enfant, d'un ami ou d'un inconnu. Un être neuf surgit alors de moi et laisse derrière lui celui qu'un instant plus tôt je croyais être. La rencontre fait résonner en moi des modes et des tons que je n'avais pas perçus jusqu'alors. C'est par la rencontre que dans cet amas diffus, cette nébuleuse que par commodité j'appelle moi, s'éclairent et se regroupent les constellations. Pareille richesse ne se peut épuiser en une seule relation aussi privilégiée, aussi forte soit-elle. Bien davantage: c'est la plénitude tout à l'entour qui profite à cette union première et la nourrit. Si l'un des amants ne supporte pas que l'autre vibre, vive et aime en dehors de sa présence, s'il se met à rêver d'être la seule source de son bonheur, il peut avoir au moins une certitude : celle de devenir très vite la seule source de son malheur.
«C'est au vent qui l'ébouriffe, à la tempête qui le ploie que l'érable rouge doit sa beauté». La relation des amants trouve sa vigueur dans le jeu des forces qui l'ébranlent. L'«espace en devenir» qui entoure chaque être et à l'intérieur duquel il peut grandir, se dilater, rayonner, tâtonner, s'élancer, est sacré. Lorsque, sous prétexte d'attachement, on le résorbe, la vie commune se dégrade.

Par un mystère, impossible à élucider, ce sont précisément toutes les rencontres d'une vie qui nous font peu à peu advenir. Chaque rencontre me livre d'une manière, tantôt une lettre, tantôt un mot, tantôt une virgule, un blanc qui, peu à peu, mis bout à bout vont composer le libellé d'un message à moi seul adressé.
Ou mieux encore : chaque rencontre ardente détient une pièce biscornue du puzzle qui finira par me composer une vie et qui, avec la multiplication des pièces disposées, va lentement, dans un dégradé de couleurs, laisser apparaître les grands contours, les grands thèmes de ma destinée. Et ce sont les autres qui me livrent - souvent à leur insu - la clef de mon énigme.
Dans chaque rencontre se révèle un aspect de mon être, un visage secret nage à ma rencontre dans l'eau du miroir. Les rencontres me remettent en mémoire une modalité d'être, une totalité oubliée.
Elles me cherchent, me trouvent sous les masques. Souvent elles me délivrent.
Quand je dis «rencontre ardente», je pense à toute la gamme possible de relation entre deux êtres, à toutes les modulations existantes dont celle particulière d'amants ne constitue que l'inflexion extrême.

Christiane Singer - Eloge du mariage, de l'engagement et autres folies - Editions albin Michel